Claire Morel travail sans relâche sur le lien depuis une dizaine d’années.
Le lien entre soi et les autres, soi et les autres soi, soi et son soi-même. Sur son tissage, son vissage, son extraction et même sa dépigmentation. Le lien est un monstre qui engloutit les figures que Claire Morel dessine et fragmente leurs pensées. Il tord des silhouettes désincarnées qui cherchent à s’évader de leur propre volonté. Les têtes sont séparées des corps par un nuage de fumée ou par une éruption cutanée animalière. Elles sont disproportionnées ou encline à s’évader, prompte se dépersonnaliser.
Se lier n’est pas de tout repos chez Claire Morel, cela ne soulage pas la conscience et n’installe pas le corps et l’âme dans une tranquille stabilité ou une routine sereine. Se lier déconstruit et délite. Pour lors, tous les moyens sont bons pour s’évader, qu’ils soient duveteux ou écaillés.
Envisager l’intrusion comme un enchevêtrement ou exploiter les possibilités de l’accouplement avec ou sans désintégration est au centre de la proposition de L’Un dans l’Autre de Claire Morel. L’artiste s’interroge ici sur la possibilité de succomber à l’appel de l’Autre, femme, homme, enfant, voisin, poule ou cochon sans se coincer dans les mailles du filet ou voir sa propre matière première partir en fumée. Pour Claire Morel, les équilibres qui semblent se nouer entre les êtres entraînent pertes ou transformation de matière identitaire.
Claire Morel met en évidence comment, souvent, le lien nourrit un sentiment de fragmentation et de scission chez les Uns et les Autres qui ne rêvent alors que d’évasion cellulaire, de mise en orbite spirituelle, histoire de prendre un peu l’air.
L’Un peut être aussi son propre ennemi et s’engluer activement dans une prétention sans aucun regard sur le ridicule de sa situation. Ainsi, la figure du masque peut venir exprimer un fond de pensée hautement phallique ou totalement gallinacé s’insérant sur un corps qui est alors le seul reflet de l’humanité.
Les dessins de Claire Morel subliment l’aliénation et la solitude mais ne sont pas dénués d’humour car Claire a choisi l’autodérision pour s’extraire de ses sensations.
Sa proposition technique, en général mine de plomb que vient rehausser et alléger subtilement l’aquarelle, pour un résultat contrasté, met en évidence l’emboîtement irrésolu entre la lourdeur et la légèreté de ses paysages émotionnels.
Claire Morel aime à dire qu’elle ne s’oublie que lorsqu’elle dessine sa propre démultiplication Artiste française, elle travaille depuis une dizaine d’année et expose régulièrement en France, Espagne, Corée. C’est sa première exposition en Belgique.